Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/259

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une chose très ancienne. Je m’y fais, doucement, chaque jour un peu plus ; jusqu’à la fin j’irai de la sorte.

Une joie intérieure inondait Madeleine, et cependant ses yeux se remplissaient de larmes. La nuit s’épaississait dans le grand salon sombre. Une pâle flambée des bûches jeta sur le visage de Saltzen un reflet rouge ; les yeux clairs et profonds du vieil homme s’étaient agrandis d’une tristesse sans mesure, et des sillons douloureux se creusaient en ses joues. Ah ! comme celui-là savait l’aimer ! Quel délice pour elle de lire en cette âme, de la pénétrer, de la sonder, de l’admirer, et quel chagrin de ne pas pouvoir un geste consolateur ! Elle tremblait ; ses mains tremblaient, ses lèvres, toute sa personne frêle. Rarement elle avait connu pareil émoi.

— Monsieur Saltzen… dit-elle tendrement.

Mais elle ne savait qu’ajouter, et pas un mot ne venait à ses lèvres.

— Bast ! laissez, fît-il avec un geste découragé, la peine des vieux, c’est si peu intéressant !

— Monsieur Saltzen, reprit Madeleine, plus tendre, plus insinuante et des caresses dans la voix, votre peine crée dans mon cœur une autre peine cruelle…