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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/266

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la hâte que lui permettait son âge. On n’attribua aucune gravité à ce devoir soudain, car le vieillard souriait en partant, et son sourire rassura enfants et petits-enfants. Ce devoir était pourtant d’une gravité exceptionnelle, et la main blanche et ronde, qui ne savait plus sans trembler lever même son verre, chargea un revolver, en secret, dans l’ombre du vestibule. Mais le vieillard souriait, parce qu’il songeait à la dame en noir qui avait si longtemps tenu tout le pays en son pouvoir, et qui serait ce soir sous sa garde, belle, jeûne, mystérieuse comme elle était. Il songeait à son sommeil de cette nuit, sous le brocart couleur d’argent dont il avait orné son lit. Et il caressait dans sa poche l’acier froid de son arme, en se disant, avec une vraie fougue de jeunesse, qu’ayant déjà vécu soixante-dix ans, ce qui est fort long, il ne regretterait rien s’il lui fallait mourir ce soir en défendant cette belle personne.

Dans la salle aux fauteuils de velours rouge, il attendit longtemps. En prêtant l’oreille aux bruits de la ville qu’étouffaient les épaisses murailles du palais gothique, il croyait entendre des frémissements, des rumeurs angoissantes. Machinalement, il tira du gousset sa riche montre en or, comme si la Révolution pour devenir terrible avait eu son