Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/275

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— Je les sens, madame, reprit Wartz sans lever les yeux, et Votre Majesté ne peut savoir ce qu’ils me pèsent.

— Pourtant j’aurais pu ne pas faire ce que j’ai fait, — continua Beatrix sans paraître l’entendre (elle n’avait plus froid maintenant, elle avait fait retomber son châle, son buste s’était redressé, elle redevenait inconsciemment royale). J’aurais pu ne point subir ce que j’ai subi. À l’heure où vous discouriez, monsieur, j’étais toute-puissante Reine ; à l’heure où les esprits en désarroi s’orientaient, vers vous, j’aurais pu faire un geste, un signe, appeler ma garde ; elle eût fait évacuer la salle, elle se fût saisie de vous, monsieur, qui combattiez la Constitution à laquelle vous êtes assermenté, et vous eût conduit en prison. Le geste, le signe, j’allais le faire ; mais je n’aime point d’autre force que celle de la persuasion. J’avais toujours régné, si je puis dire, spirituellement ; la lutte des armes m’a répugné ; j’ai veillé jusqu’au bout sur le très précieux sang de mon peuple, et je n’ai point appelé mes soldats. J’ai respecté votre liberté, monsieur Wartz, j’ai fait plus, je vous ai nommé ministre, espérant terminer ainsi un conflit qui n’appartenait déjà plus aux sereines luttes de l’es-