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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/340

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causait assez librement avec moi : j’ai vu cette âme d’alors, Wartz, jusqu’au fond ; c’était adorable. La naissance du printemps a plus de poésie que tout autre chose dans la nature ; ce fut à une naissance de printemps que j’assistai. On sentait se gonfler et s’ouvrir en la jeune fille mille choses subtiles !… Et puis elle est devenue femme. Je voyais qu’elle allait aimer ; je la suivais dans le monde, jaloux, soupçonneux ; je surveillais jusqu’au regard qu’elle posait sur les jeunes hommes, tous épris d’elle, jusqu’au trouble de ses paupières, au rose de ses joues. Ce fut vous qu’elle aima. Je lui ai pardonné ; je vous aimais bien, moi aussi, Wartz. Ce mariage me brisait moins qu’un autre ; j’en étais fier pour elle et fier pour vous. Les deux beaux êtres de jeunesse que vous faisiez m’ont toujours été une vision radieuse, et j’avais arrangé ma vie pour me contenter des miettes de votre festin. Vous étiez le riche qui goûtiez à pleine bouche la joie servie ; il restait encore pour moi le sourire de la chère petite fille, ses menues confidences, ses douceurs au vieil ami, le glissement de ses lèvres sur les dents quand elle disait : « Monsieur Saltzen. » J’emportais tous ces souvenirs-là chez moi, et je les savourais. Voilà, Wartz, Je récit que vous devait votre vieux camarade.