Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/351

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je trouve ici, sous ma main, la formule ancienne du serment qui me rappelle à la réalité, la formule qui, jurée, doit nous asservir au régime fini, dans un engagement de fidélité à la Souveraine… Et je dois vous le présenter, messieurs, ce serment, et je dois vous le proposer… Quel est celui d’entre vous qui le prononcera ?… Ah ! madame, vous qui fûtes la meilleure des Reines, et qui nous écoutez, Votre Majesté est le témoin de ce qui se passe dans nos cœurs. Nous nous émancipons ; la Nation, vieille de dix siècles, veut enfin se guider elle-même. Vous fûtes aimée comme une mère, mais nous sommes le peuple majeur !…

Le bon Saltzen n’en put dire davantage. Quand, en tournant les yeux vers la tribune royale, sous le lambrequin du dais en pâle tapisserie héraldique, il voyait cette rigide figure de Béatrix, si morne, si éteinte, dans sa robe magnifique de moire brodée, il se sentait mourir de confusion. Abreuver de chagrin une femme, et celle-là ! prononcer contre elle ce réquisitoire, alors qu’elle ne pouvait plus se défendre, à la minute qu’elle devait sentir ce qu’est l’abandon de tout un peuple ! Tout craquait autour d’elle. L’autorité s’était éteinte entre ses mains, sans violence, sans formalité légale, comme s’éteint un flambeau. Elle