Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parce qu’il ne devinait pas, parce que personne ne pouvait deviner ce cœur. Elle-même se trompait à ses propres apparences ; elle ignorait sa vertu profonde. Elle portait, ou plutôt elle cachait ingénument sa force morale. Elle était méditative et se faisait voir frivole ; elle était grave et paraissait légère, et quelquefois, des journées entières aux côtés de son mari, elle étouffait ses tendresses sans savoir pourquoi : elle avait peur… elle croyait que cela valait mieux ainsi.

Ce soir, comme il arrive à des enfants, pour ce doigt de vin qui lui avait passé dans le sang, elle se sentait la langue toute déliée ; mais c’était surtout ce décor qui la grisait : l’escalier princier, la vue du jardin sous la neige, tout le théâtral qui exalte. Loin de leur maison, des choses quotidiennes et matérielles qui marient à la longue les époux dans les intérêts vulgaires de la vie bien plus que dans l’amour, ils retrouvaient les suavités, lointaines déjà, de leurs fiançailles.

— Tu m’as fait de la peine, Madeleine, de t’en aller avec tous ces hommes, quand tu m’avais refusé, à moi.

— Mon Dieu, mon Dieu ! répondit-elle, les yeux tout de suite humides, je t’ai chagriné, toi ! moi qui voudrais ne faire mal à personne !