Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/42

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plique à moi-même ! Un jour, — je venais d’avoir treize ans, — j’avais tordu mes cheveux qui faisaient une tresse trop lourde ; le soir, il vint dîner chez notre père ; je vis qu’il regardait le chignon que je m’étais fait ; et ses yeux soudain eurent quelque chose qui me plut beaucoup, si petite fille que je fusse. C’était à table. En levant la tête, deux ou trois fois je m’aperçus qu’il me regardait toujours. Je me souviens encore d’une autre circonstance où il me parut si singulier, mon Dieu ! C’était après la mort de ma grand’mère. Lors de notre malheur, il était en voyage ; à son retour, apprenant le chagrin que nous avions, il accourt à la maison ; j’étais tout en noir pour la première fois de ma vie. Le voilà entrant au salon, embrassant mon père, puis venant à moi qui pleurais. Il me tend les mains, il me regarde et ne m’embrasse pas… Je me suis bien longtemps demandé ce qu’avait signifié, dans ce moment-là, l’expression de ses yeux : deux gouttes d’eau de mer, vivantes, magnétiques, qui changent soudain, et c’est une âme inconnue qu’on a devant soi ! — Depuis, je me suis expliqué…

Samuel, ses deux mains gantées de blanc serrant la rampe, regardait le jardin devenir féerique. La jeune femme s’arrêta, perdue une minute dans