Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/54

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j’ai conçu le dessein de me dévouer à votre œuvre. Nous manquons d’orateurs à la Délégation. Il y a bien monsieur Saltzen qui possède si parfaitement sa langue, car il possède sa langue comme personne ; mais justement, cette correction, cette impeccabilité… enfin, vous me comprenez, monsieur le délégué, ce n’est pas le tribun au sens vrai du mot. Vous me pardonnez ma franchise ? le tribun, c’est vous. Ah ! je vous ai vu, un soir que vous parliez aux tisseurs, dans la salle de l’ancien théâtre, au faubourg. Laissez-moi vous rappeler ce souvenir. Vous avez eu la plus tragique, la plus superbe des incorrections. Je vous vois encore debout à la petite table devant la scène, bien en lumière. J’étais dans un coin de la salle ; on y faisait un bruit assourdissant ; vous vous souvenez ? Le petit archiduc avait alors le croup, les journaux racontaient les veilles de nuit que faisait la Reine près de son enfant, ses crises de désespoir, tout le tralala sentimental, enfin. Cela avait créé un très fort mouvement dans l’opinion ; on en était venu à ne vous permettre plus d’énoncer jusqu’au bout vos idées républicaines. Que voulez-vous ! il y aura toujours. cela, l’emballement pour la femme ! Et je vous voyais remuer les lèvres, sans voix dans le vacarme. Vous étiez devenu très pâle, monsieur le