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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/55

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délégué, et l’on sentait sourdre en vous la colère. Tout à coup, d’un cri d’orateur, vous avez dominé le bruit. De vos bras croisés, l’un a quitté l’autre, lentement, — ah ! ce geste du bras en avant, ce geste magnétiseur qui cueille les esprits ! — « Vous avez beau hurler et m’assourdir, disiez-vous, j’entends toujours vos cœurs aimer sourdement la République ! » On s’est tu. Vous aviez été prodigieux. Eh bien, votre talent est tout dans ce mot-là : « J’entends vos cœurs aimer… » On n’entend pas des cœurs aimer, n’est-ce pas, monsieur le délégué ? Entendre des cœurs ! qu’est-ce que cela signifie ? Voilà ce que monsieur Saltzen n’aurait jamais dit — et vous avez été magnifique. On vous aurait élu rien que pour ce met-là, et on aurait eu raison, car il montre votre tempérament ; et le bouleversement qui s’apprête, vous le tenez dans votre main.

Samuel n’avait jamais entendu de quémandeur parler de la sorte. Ce verbiage le stupéfiait. Il se tut, n’ayant pas encore trouvé sur quel ton il convenait de répondre à cet homme.

— J’ai eu l’idée de me vouer à vous, de me mettre tout à votre service. Je vous ai observé, je me suis informé, j’ai su que vous n’aviez personne.