Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/71

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affection qui le tourmentait d’un rien de remords. Et pourtant il ne pouvait se retenir de l’observer, d’espionner jusque dans son cœur. Il le vit aller prendre sa place au feu, près de la jeune femme, tendre ses bottines à la chaleur, la tête au dossier du fauteuil, les mains croisées, silencieux un moment comme un homme qu’inonde un bien-être soudain. Puis Madeleine causa du bal, et le docteur, léger et rieur comme toujours, esquissait de ses mots d’esprit les silhouettes entrevues : le ministre de l’Intérieur au physique grotesque, une foule de délégués de la province, et Nathée qu’il ne nommait pas, mais qu’il figurait en simulant de sa longue main maigre un bonhomme, comme on en fait aux enfants, un bonhomme agité de courbettes et de saluts automatiques. Et les paupières de Saltzen, tout son visage, se ridaient de spirituelle ironie.

Autrefois, Samuel eût renvoyé Madeleine pour se décharger dans l’âme de son vieux collègue de tout ce qui l’oppressait depuis une heure, mais il n’était plus tout à fait le même être qu’autrefois. Ce qui le rendait si froid et si fermé devant l’une des personnes qu’il estimait le plus au monde, ce n’était pas seulement la rancune née de leur rivalité sentimentale. Il était devenu inconsciemment