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Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/91

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— Mon pauvre Sam ! continua Madeleine, le regard perdu dans l’invisible ; je l’aime bien aussi, mon Dieu ! Il faut tant l’aimer pour lui faire oublier sa jeunesse triste ! Il a bien souffert ; je voudrais qu’il n’ait que des joies, maintenant ; son bonheur est mon seul but. Malheureusement, entre nous l’échange n’est pas égal ; je lui ai donné tout mon cœur, mais moi, je n’ai, je crois bien, que la moitié du sien. Si vous saviez ce que je devine de soins, d’inquiétudes, de pensées terribles dans l’autre part qui m’est fermée ! Il est bon, il est dévoué à l’excès ; mais comme il s’absorbe dans son rêve politique ! Je suis jalouse de sa République, voyez-vous, comme d’une maîtresse qu’il aurait eue autrefois et qui lui causerait encore des chagrins dont je ne saurais le consoler.

Dans le coin le plus exquis de son âme, le vieil ami chercha une réponse.

— Il faut prendre au sérieux votre rôle de femme d’un grand homme. Ils sont tous les mêmes, dévorés, rongés par leur Œuvre. Mais c’est mauvais cela. Une compagne comme vous, qui êtes si adorée, peut guérir cette consomption-là. Je la connais, allez ! Croyez-vous que votre mari soit fort loquace avec nous, ses collaborateurs ? Croyez-vous même que nous connaissions la vraie force