Page:Yver - Comment s en vont les reines.djvu/98

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lon, de chocolat emplissait la pièce. Avec un bien-être sensuel, Samuel huma ces parfums. Manger, il allait manger ! Le corps a de ces revanches sur l’esprit excédé, et, dans une joie friande, il but le bouillon avec un verre de vin vieux.

Pourquoi était-il différent, à cette minute, et comme moins seul que tout à l’heure, dégagé de la sinistre amertume où il s’enlizait ? À peine cette jeune fille avait-elle paru, cependant, le laissant seulement touché de son attention. La pièce silencieuse semblait avoir gardé le rayonnement de quelque chose de pur, le parfum d’une sollicitude discrète, le sillage d’une noblesse et d’une dignité qui passent. Et par contraste, il se rappela la domesticité du château d’Orbach, sur laquelle il avait dû souvent exercer de la surveillance : les valets plats et cyniques, les servantes rustaudes et flatteuses, tous marqués de l’empreinte servile, joignant à la malpropreté extérieure celle des vices, triviaux en tous leurs gestes comme en toutes leurs pensées.

« Oh ! cette fine, cette délicate Hannah ! » pensa-t-il dans une sensation soudaine de délivrance.

Ce fut une révélation. La petite servante à la culture secrète était le symbole d’une étape douloureuse dans la progression de la masse humaine.