Page:Yver - La Bergerie.djvu/101

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pensée de Rosine, s’était apaisé et comme réjoui. On le voyait chérir cette enfant ; il l’avait dite adorable. Le jeune homme, à ce mot, sentit comme un nuage passer dans son cerveau, et il évoquait le profil grisaille aux longs cils blonds, avec la pointe blanche de la dent dépassant la lèvre. Il y avait eu un charme jusque dans cette comparaison « c’est l’innocence du jeune serpent », qui lui montrait l’adolescente plus fuyante, plus insaisissable, plus mystérieuse et féminine.

Et il se débattait contre les théories de Chapenel sur l’instinct de l’Amour ; il les trouvait injustes et vraies, antipathiques et irréfutables. L’amour est-il odieux-ou beau P faut-il le cacher comme une honte, ou le déployer comme une fierté ? Le problème ne se fût pas posé la veille dans ce cœur jeune, un peu triste et déçu, mais vif et sentimental. Aujourd’hui, ce jeune cœur l’élaborait péniblement, élevant avec effort, pensée par pensée, sa logique tendre sous cette lourde pesée qu’exerçait déjà sur lui la main de Chapenel.

Huit heures étaient sonnées ce soir-là quand Beaudry-Rogeas rentra. Il arrivait pressé, haletant, essoufflé et — nuance que sentit Frédéric averti — légèrement confus d’avoir retardé Chapenel, dont l’estomac délicat requérait des heures de repas régulières. Son prestige de grand homme était tombé. Le jeune