Page:Yver - La Bergerie.djvu/102

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secrétaire l’analysa strictement pour la première fois. Ses yeux clairs, plus satisfaits que pensifs, s’agrandissaient ce soir d’un semblant d’effroi et se fixaient ainsi sur Chapenel ; son visage, frais comme de la cire peinte dans le doré des favoris, manquait de ce trait cérébral qui modèle, creuse, ravage, martèle les êtres de grande pensée. Frédéric s’étonnait maintenant d’avoir pu imaginer dans cet homme la grandissime mentalité qu’il lui croyait encore tout à l’heure. Il y avait bien un maître ici ; mais ce n’était pas Beaudry-Rogeas.

Silencieux et amusé à ce dîner, le jeune homme suivait ce jeu de deux esprits dont l’un captait l’autre, celui-là même qui croyait posséder le premier. La conversation entre les deux hommes restait nébuleuse et secrète ; il la devina plus qu’il ne la comprit. Chapenel disait :

« Vous revenez encore de là-bas ? je m’en doutais. »

Troublé, confus, le maître de maison s’efforçait à prendre de l’assurance pour répondre :

« Eh bien ! oui, j’en reviens ; il le fallait. On ne refuse pas un service demandé. C’est ce qui m’a mis en retard, mon pauvre Chapenel ; j’ai dû courir rue Blanche chez l’organisateur du concert norvégien, puis de là revenir rue Notre-Dame-des-Champs