Page:Yver - La Bergerie.djvu/111

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dences ; il débordait, il avait besoin de parler, fût-ce au premier venu, de cette femme, de prononcer son nom, de dire sa vertu après l’offense du peintre.

Cette conversation laissa d’ailleurs Frédéric fort rêveur. Il sentait là le parfum spécial du roman parisien, exalté, un peu fou, clandestin, revêtu comme d’un manteau par la mondanité, magnifiée du fait même des millions de l’amoureux, embelli du talent de l’artiste, extravagant et secret. Et ce fut bien pis le soir du lendemain, quand, après le dîner, Beaudry-Rogeas, soigné, parfumé, l’air tout à fait grand homme dans sa cravate blanche, au fond noir du coupé, avec le feu perçant et fin du diamant au plastron de sa chemise, l’emmena si amicalement à Sainte-Clotilde. Il avait lui-même un faux-col qui le faisait ressembler à un Anglais, ce dont son maître le complimenta. Paris scintillait, obscur, immense et magique. Cette aventure inavouée à laquelle il était mêlé grisait Frédéric ; il avait l’impression que cette voiture roulant dans la nuit l’emportait plus loin, plus intimement que jamais au cœur de la ville. Il respirait une atmosphère d’amour. Ce qui était au juste entre cette étrangère et Beaudry-Rogeas, il l’ignorait ; mais il prêtait d’avance à l’idylle un avancement que rien ne justifiait. Ce qui éclatait, c’est que l’écrivain chérissait cette