Page:Yver - La Bergerie.djvu/112

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musicienne, la rajeunissait dans ses termes, l’enveloppant d’admiration, de protection, de respect. Et il enviait, malgré lui, quelque chose de semblable, un roman parisien aussi, en ayant les grâces, l’élégance, la fièvre, les obstacles adorables qui font qu’on se cache, et le masque de scepticisme, sourire ou poudre de riz, sous lequel on joue son drame. À cette minute précise il vit la petite Rosine et prit conscience de l’aimer.

Le rendez-vous était à l’église, près de la porte latérale. Au-dessous du bénétier, sur un prie-Dieu, une femme était agenouillée. Debout à ses côtés, les deux hommes attendirent un instant qu’elle relevât la tête, qu’elle gardait cachée dans ses doigts longs vêtus de gants de fil ; soudain son visage tourna vers eux, demeura glacial un moment et sourit en reconnaissant Beaudry-Rogeas. Elle était pâle et décolorée ; elle avait de grands yeux gris sans nuances, comme l’eau ; ses cheveux débordaient en touffes d’argent de chaque côté du petit chapeau de feutre noir ; un grand collet, légèrement défraîchi, revêtait sa personne frêle. Elle avait l’air misérable, mais infiniment plus jeune que Frédéric ne l’avait pensé. On aurait dit une jeune fille, tant elle paraissait craintive et soumise devant l’écrivain qu’elle appelait « Monsieur » avec une Cérémonie, une déférence infinies.