Page:Yver - La Bergerie.djvu/114

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troublants, incompréhensibles et angéliques ; mais tout son pauvre être était si fané, si usé ! pensait Frédéric.

Tout à coup un bruit monstrueux siffla dans les tuyaux d’étain derrière eux. C’était l’accord initial d’un prélude qu’avaient déposé d’un mouvement presque invisible, sur le clavier, les frêles mains blanches ; il roula sous la voûte comme un tonnerre ; il s’en alla vibrer sous les arcades, jusqu’à l’abside lointaine qu’on ne voyait pas. Et il en naquit d’autres qui dessinèrent dans leur fracas la phrase lentement déroulée d’une pensée musicale. L’église en était tout emplie et bourdonnante. Frédéric vint s’accouder de nouveau au rebord de la tribune, et il se sentit au cœur un petit spasme d’émotion.

Il s’était allumé là-bas, par delà le chœur, à l’ultime chapelle, une flamme de gaz ou de cierge que masquait un pilier ; et maintenant, toute l’arcature fuyant en perspective des ogives se découpait sur ce fond faiblement lumineux. Le vaisseau aérien se perdait toujours dans les ténèbres ; les bas-côtés illimités dans l’ombre s’entrevoyaient profonds et insondables par les baies géantes des piliers ; elle était devenue, la gothique et charmante église, une monstrueuse cathédrale de nuit, de songe, dont les abîmes pleins de la gloire de l’orgue donnaient à Frédéric le vertige, dont l’immensité mys-