Page:Yver - La Bergerie.djvu/117

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prie… vous en aller toute seule, à cette heure !

— Non, monsieur, continuait-elle, comme plus peureuse ; je serai vite rendue, j’ai l’omnibus, il me met à ma porte ; non, merci ; je vous remercie tant ! »

Eh bien quoi ? se disait Frédéric ; où en sont-ils donc au juste tous les deux, qu’une promenade ensemble en voiture l’effarouche tant !

Elle se raidit, résista si désespérément qu’il fallut bien la laisser s’en aller seule ; elle s’enfuit plus qu’elle ne les quitta ; on la vit disparaître dans le noir de la rue de Grenelle, sa forme noire, silencieuse, rasant les maisons.

« Admirable ! admirable ! maître, disait dans la voiture Frédéric encore enthousiasmé ; quelle magicienne !

— N’est-ce pas ? répondait l’amoureux avec béatitude ; je vous l’avais bien dit. »

Et une minute après, il ajoutait :

« Pauvre créature isolée et perdue, ignorée, méconnue. Quand je songe à sa vie triste. Vous ne savez pas quelle âme fière, quel cœur exquis cela fait… Voyons, Aubépine, ne croyez-vous pas qu’à vivre près de cette femme-là, un homme serait heureux ? Que ce serait une compagne discrète, adorable ?… Dire qu’elle passe ses jours dans une effrayante solitude. »