Page:Yver - La Bergerie.djvu/125

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rielle qui n’a rien de commun souvent avec l’idée créatrice. Mon travail est perpétuel, il est permanent et ne connaît pas la lassitude. Je pense, je pense. Le pecus (c’était à peu près toute l’humanité que Chapenel entendait par ce mot), le pecus n’en saura rien ; pourquoi en saurait-il quelque chose ? »

Frédéric trouvait royal cet orgueil.

« Vous êtes la source qui refuse de couler, l’étoile qui retient sa lumière, dit-il avec une légère émotion admirative. »

Ces mots plurent à Chapenel, mais il demeura glacial et bourru.

« Bien sûr ! » répondit-il en arpentant le cabinet, les mains aux poches du pantalon, plissant les basques de sa redingote longue.

Frédéric résolut de déchirer son pamphlet sur le style non-gothique, et de penser toujours sans écrire jamais.

« Dites-moi, fit Chapenel tout à coup, vous avez vu cette femme ?

— Quelle femme ?

— La Norvégienne, la protégée de Beaudry-Rogeas, que vous êtes allé entendre l’autre soir.

— Je l’ai vue et entendue, c’est vrai. Elle est remarquable, indécise et poétique, un personnage de roman, moins belle qu’étrange ; et ce talent ! Je comprends qu’on soit amoureux à se tuer d’une femme telle que celle-là.