Page:Yver - La Bergerie.djvu/126

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— Vous voulez dire d’une aventurière comme celle-là. »

Avec un instinct secret de curiosité, Frédéric voulut pousser à bout Chapenel, le faire monter en jouant l’enthousiasme, et s’amuser à lui extorquer ainsi les arguments dont il devait assaillir tous les jours le malheureux Beaudry-Rogeas.

« Une aventurière, cette créature de modestie, de timidité, de dignité ? jamais ! C’est un prestige vivant qui s’ignore. Il n’y a d’elle qu’un mot à dire : elle est exquise. »

Il s’attendait à un éclat. Chapenel ne dit rien. Surpris, Frédéric leva vers lui la tête ; il souriait à peine, de ses yeux sombres et brûlants qui se fendaient, se bridaient, se plissaient sous l’arcade hirsute des sourcils. Sans prononcer un mot, sans même regarder le jeune homme, il continua longtemps ce geste d’ironie. Frédéric sentit un trouble, une honte d’avoir été naïf en s’emballant pour la femme au chapeau de feutre fané. Elle se dépoétisa, s’enlaidit, devint équivoque et douteuse. Chapenel pensait à elle aussi et souriait toujours…

Frédéric, à la fin, songea sans l’énoncer précisément :

« On ne peut pourtant pas laisser ce brave homme de Beaudry-Rogeas, bon, honnête et facile à tromper comme il est, s’enliser dans cette affaire dont il sera vite la dupe douloureuse.