Page:Yver - La Bergerie.djvu/127

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Cette Ejelmar doit être une comédienne. »

Ce fut un des plus prompts, un des plus étonnants triomphes de Chapenel, que ce bouleversement accompli en moins de cinq minutes et sans mot férir, d’un sentiment, d’un charme très fort, établi au fond le meilleur de cette âme de jeune homme. Il y avait là quelque chose qui ne s’analysait pas. Chapenel était un tyran subtil.

« Beaudry-Rogeas, reprit-il après un long silence, est capable des pires niaiseries. Sa sœur, qui revient d’Amérique, a une bien autre carrure d’esprit. Lydie Beaudry-Rogeas est une femme comme on n’en voit pas. Voilà une femme, Aubépine ; vous la verrez bientôt. Quel âge elle a ? Elle n’en a pas. Puis qu’importe ! Elle n’a pas trente ans, mais cela m’est égal. C’est une artiste, un être pur et fort. Je l’ai vue créer des formules de pensée et de beauté dont je n’aurais pas été capable. On peut s’appuyer sur elle ; c’est un ami sûr. Il faudra que son frère s’aide beaucoup d’elle pour Naissance d’Europe. »

Comme chaque fois que Chapenel et lui avaient ensemble causé, Frédéric emporta chez lui des impressions troubles et confuses. Il rêva la nuit à Rosine. C’était dans la salle à manger sombre aux baies de vitraux verdâtres et plombés ; elle était dans le fond obscur où son pâle visage blond se voyait seul. Elle mar-