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Page:Yver - La Bergerie.djvu/129

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un petit homme fluet, perdu dans sa pelisse de fourrure, les cheveux tout gris déjà, sortant en mèches du chapeau haut de forme ; plus loin, le jeune et illustre compositeur Ménessier, dont l’Europe fredonne les airs, et que tout le monde regarda quand il entra, tant il se faisait, avec toute sa mise, la « tête » d’Alfred de Musset ; Gado, le chansonnier délicieux qui arrivait, chauve, timide et mal mis, et choisissait la première place pour se faire de la réclame. Un silence tout à coup plana. Les éventails s’immobilisèrent, on cessa d’entendre chuchoter les femmes ; le vacarme assourdi qui régnait s’apaisa ; une trouée se fit dans l’encombrement qui obstruait la porte, et il se dessina un mouvement muet de jeunes curieuses se levant pour voir avancer le personnage qui entrait. Il était grand, large d’épaules, possédait un ventre imposant, une belle barbe brune, et ses yeux bleus souriaient.

« Croix-Martin ! cria Beaudry-Rogeas en quittant précipitamment Frédéric. Que j’aille lui serrer la main ! »

Le grand Croix-Martin, le Maître des maîtres, le Génie ! Toute de suite, Frédéric reconnut dans cette figure de santé, de bonté joyeuse, l’original de tant de photographies qui courent les journaux illustrés et les vitrines des luthiers. Croix-Martin, l’auteur de David, le musicien de Bethsabé, de ce Miserere immortel