Page:Yver - La Bergerie.djvu/130

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que dans son opéra le roi-prophète chante, brodé sur la tragique phrase liturgique. Frédéric le dévorait des yeux. Il était venu, prié par Beaudry-Rogeas, pour entendre la pauvre Ejelmar jouer ses rapsodies… Se rappelant le sourire de Chapenel, le jeune homme s’effrayait que, pour l’obscure inconnue, on eût dérangé cette éminence de l’Art.

Beaudry-Rogeas, retenu par les grands hommes, demeura là-bas parmi eux, aux places réservées du premier rang, oubliant ici Frédéric. Celui-ci en sentit une blessure secrète. Il eut le sens de n’être rien au monde. Des musiciens vinrent en scène et jouèrent un quatuor étrange, conçu dans les fjords. Leur incompréhensible symphonie eut un succès colossal. Le bruit des applaudissements donna le vertige au fils de la danseuse. Des choses endormies s’éveillaient en lui, des envies de gloire, comme une saveur lointaine de voluptés goûtées jadis. Il aurait voulu être quelqu’un, et que toutes ces femmes aux mains gantées de blanc eussent vers lui l’enthousiasme fou qu’elles venaient d’avoir pour ce violoniste suédois qui saluait encore en scène en ce moment.

Ce concert fut pour lui un martyre inconscient. Il écoutait plus les bravos que les airs qui les avaient motivés. Mme Ejelmar parut au dernier numéro du programme. Elle