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Page:Yver - La Bergerie.djvu/131

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était en robe de velours noir, une robe archaïque, sans mode, sans style, venue peut-être d’une aïeule, tendue sur ses omoplates maigres ; elle était à demi-morte de pâleur, de lassitude, sous ses bandeaux nuageux que la lumière électrique blanchissait. Son talent fut noyé dans tous les autres. Croix-Martin et Beaudry-Rogeas se parlaient bas tant qu’elle jouait. L’excellent grand homme lui créa un succès en criant de toutes ses forces : « Bravo ! » quand les Rapsodies dalécarliennes furent achevées. Mais Frédéric ne vit plus en elle qu’une rouée jouant la comédie de l’honnêteté scrupuleuse pour se faire épouser par le riche veuf.

À la sortie, il usa d’adresse pour se retrouver aux côtés de son patron. Ce qu’il espérait, ce qu’il brûlait d’obtenir, c’était une présentation à Croix-Martin, dont il avait le fanatisme, ou même à Ménessier, dont l’habit 1830 avait du prestige sur lui, ou même à Gado, dont il adorait les chansons. Beaudry-Rogeas se borna à lui dire :

« Cher ami, il est cinq heures, nous ne ferions plus rien aujourd’hui ; vous avez votre liberté. À demain. »

Et le lendemain, en refoulant les larmes qui lui montaient aux yeux, il apprit que Gado, Duval, Ménessier et Croix-Martin avaient dîné ce soir-là chez Beaudry-Rogeas.