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Page:Yver - La Bergerie.djvu/136

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voilà une artiste ! Vous l’entendrez parler, et ce qu’elle aura dit vous pourrez le croire, mon cher ; vous pourrez vous y tenir, en faire, dans l’art, dans les lettres, dans la philosophie, dans l’esthétique, votre religion.

— Est-elle jolie ? demanda encore le jeune homme dans une légitime curiosité qui parut exaspérer Chapenel.

— Jolie ? Est-ce que je le sais ! Je m’occupe de sa mentalité en ce moment ; son esthétique, elle l’a mise en elle ; elle l’a incarnée ; c’est une figure d’art lumineuse et pure ; jolie ? Au sens où vous voulez le dire, je ne me le suis jamais demandé. »

Il parla d’elle longtemps, maussade et insinuant comme toujours. Elle aimait comme lui les lignes vagues, les couleurs blafardes, l’émeraude, la nuit, les algues, les paysages où flottent des paons, et la fantastique décoration dont la clé est le crabe. Elle aimait aussi l’Égypte pour l’avoir visitée. Chapenel parlait toujours. Un sentiment énorme et indéfinissable d’admiration et de terreur prenait Frédéric, dont la résultante était cette pensée : « Comme il serait bon d’aimer Rosine ! »

Les choses se passèrent presque comme dans son rêve. Il pénétra, en compagnie de Chapenel, dans la salle à manger. La suspension baignait ses hydrophiles de fer forgé dans une nappe irradiante de lumière