Page:Yver - La Bergerie.djvu/149

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demanda-t-il plus tard à Mlle d’Aubépine, très intrigué de cette métamorphose éclose avec l’idylle de sa sœur.

— Je n’ai pas compris. Il y a évidemment quelque chose d’étrange, mais que veux-tu ! Ça compte seize ans, et ça vous a déjà une petite vie personnelle qui se détache de vous, qui s’affranchit, vous échappe, et qu’on ne pénètre plus. C’est fini ! On se figurait qu’on était installée pour toujours dans ces jeunes sanctuaires d’âmes, pour y lire le spectacle de toutes les émotions, pour y voir tout, tout. Ah ! oui, un beau matin on se réveille dehors, la porte est fermée ; on n’y entre plus. On a devant soi une jeune fille. »

Ces réflexions mélancoliques s’appliquaient aux deux sœurs. La pauvre marraine, si dévouée, avait bien eu son petit chagrin léger en devinant dans le cœur de Camille des transformations, des obscurités, des abîmes qui ne s’ouvriraient plus ; mais, dans ses plaintes, elle pensait bien plutôt, avec une inconsciente jalousie, à l’autre, celle qui s’en allait au parc au bras du nouveau venu, et qu’elle suivait des yeux à travers le linon des rideaux, jusqu’au bout de l’allée, si tendrement penchée vers lui, si extasiée, si asservie, si lointaine déjà en esprit, de la maison qui l’avait recueillie orpheline !

Le premier matin qu’il fit beau, les quatre