Page:Yver - La Bergerie.djvu/15

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rue, avec des rais de lumière, comme un trop-plein de bonheur. Ainsi que tout homme de vingt-deux ans, qui a fait ses études et se respecte, il avait d’ailleurs sur la vie des idées aussi arrêtées que dédaigneuses, quoique la manière négligente dont il traitait le don de l’existence — don fort surfait, paraît-il, et bien plutôt regrettable — se conciliât très peu avec la fourmilière grouillante d’envies, d’ambitions, de rêves, d’efforts, qui vivaient en lui, et se pouvaient difficilement réaliser en dehors de cette même misérable existence.

Il ne croyait plus à l’Amour, parce qu’ayant échangé — il y avait dix-huit mois de cela — avec une personne qui chantait dans un grand concert du faubourg et qu’on nommait, sans que nul au monde sût pourquoi, Mlle Fleur de Lys, des serments d’amour éternel, il s’en était trouvé délié, du fait même de ladite personne, celle-ci l’ayant traité avec la plus monstrueuse infidélité. C’était, du sentiment, la première et unique expérience qu’il eût faite. Il avait fallu, très vraisemblablement pour son bonheur, que Mlle Fleur de Lys fût effectivement une petite chose adorable, dont la perte le laissa inconsolable, farouche, et que rien ne put remplacer.

Il ne croyait plus à l’Amitié, parce que s’étant lié avec un jeune soldat de sa classe nommé Durand, dont il s’était fait l’inséparable, il