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Page:Yver - La Bergerie.djvu/16

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avait eu le chagrin, si lourd et si surprenant à ses vingt ans, de le voir, une fois devenu successivement caporal et sergent, le traiter avec une morgue chaque jour croissante. Puis ce fut la trahison finale. Aubépine, moitié riant, moitié sérieux, avait parié un jour avec le sergent qu’il découcherait, cette même nuit, et cela en dépit d’une punition de consigne infligée pour une bagatelle et qu’il purgeait en ce moment. Ayant proféré cette bravade, il ne voulut pas se démentir : il sauta le mur.

L’ancien camarade devenu chef prit la chose gravement. Il guetta le jeune homme et, dès qu’il le sut hors de la caserne, procéda à un contre-appel.

Les quinze jours de prison qui s’ensuivirent, l’abus de confiance de l’ami avec lequel il s’était cru permis ce jeu, le refrènement de sa simplicité impulsive, changèrent singulièrement le cœur de Frédéric, et lui créèrent des complexités. Il les appela de l’expérience. Ce n’était encore qu’une expérience ; il crut avoir fait le tour de la vie.

Après des perplexités immenses, des luttes d’idées atroces, mystérieusement livrées dans son âme penseuse, il avait abandonné la religion. Et sa nature restant scrupuleuse et délicate, offensée d’un rien, sensible à l’excès au mal, il émit les doutes les plus absolus sur cette même religion dont il honorait et prati-