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Page:Yver - La Bergerie.djvu/153

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M. de Marcy, au moment de faire franchir à Laure un fossé où coulait l’eau d’une source proche, se retourna et vint au-devant de Frédéric. Il se sentait l’avoir quelque peu négligé jusqu’ici, et sa courtoisie s’en alarmait.

« Mon cousin, lui cria-t-il en s’avançant, me voici maître de maison, et je veux vous introduire personnellement chez moi. Mes terres commencent ici. »

Il avait dit cela sans nul orgueil ni prétention ; mais Frédéric averti remarqua maintenant comme un aspect nouveau. Au fin rebord du fossé, à perte de vue, courait le premier sillon du champ ; la charrue avait mordu étroitement à même la berge du petit cours d’eau. La substance de la terre était ici mesurée, marchandée à son poids, utilisée à quelques centimètres près ; on la pressait jusqu’en son moindre pli, on la forçait de rendre au maître jusqu’à sa dernière goutte de sève. Et déjà là, une moisson verte, haute de plus d’un pied, touffue, serrée, si compacte que le vent s’y jouait à peine, s’était levée de cette terre grasse et riche. Frédéric, un peu embarrassé de son ignorance, se pencha vers Camille :

« Qu’est-ce qui pousse là ? » lui demanda-t-il.

Alors, la rieuse gamine, grisée de mille choses ambiantes qu’elle n’analysait guère, dans un éclat de gaieté, les poings aux