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Page:Yver - La Bergerie.djvu/154

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hanches, entonna, de son joli et frais soprano d’enfant de chœur, la chanson du blé :

J’ai semé le blé dans la terre brune ;
J’ai semé le blé comme des grains d’or.
Passants qui marchez sur ma terre brune,
Ne réveillez pas mon beau blé qui dort.
J’ai semé le pain pour la race humaine,
Je suis le héros et le bienfaiteur ;
J’ai semé le sang de la race humaine
Saluez passants, je suis. Créateur !

C’était une chanson de Gado que Frédéric reconnut. En éclatant de rire, Camille avait ouvert les bras et fait un grand geste pour clamer : Je suis Créateur ! et la phrase musicale, lancée à toute force par ce petit gosier d’oiseau, vibra longtemps dans l’air. Le jeune homme se rappela le chansonnier, la salle de concert où l’on étouffait dans l’odeur de poudre de riz ; Mme Ejelmar, Croix-Martin, le large chapeau noir à plumes de sa voisine qui avait les yeux peints ; et Beaudry-Rogeas, intriguant en grand, comme lui l’avait fait en petit, pour paraître l’ami de Croix-Martin devant l’assemblée. Tout cela passa devant lui en vision rapide ; puis il aperçut la face saine et gaie du fermier gentilhomme, ayant ce contentement paisible que lui donnait la contemplation de cette récolte heureuse. Avec un grain d’enthousiasme, il enleva son chapeau.