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Page:Yver - La Bergerie.djvu/160

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Marcy poussa une barrière. Dans une mare boueuse, qui reflétait en noir sinistre le ciel bleu, flottaient, comme des cygnes, de grandes oies ; à la vue des étrangers le troupeau sortit de l’eau, le mâle en tête, et devint offensif. Camille eut un mouvement de recul ; elle avait peur des oies. Frédéric le vit et marcha près d’elle ; quand elle le remarqua, elle fut prise de honte.

« Suis-je sotte, hein ? je n’ai jamais pu surmonter cela ; c’est la seule chose qui m’effraye. Ces animaux sont stupides ; c’est leur stupidité qui me cause cette peur nerveuse. »

Comme une montagne d’or au soleil, le fumier s’élevait au fond de la basse-cour. C’est le calorifère des poules, expliqua M. de Marcy. Le jus épais et puant s’en écoulait tout autour, en des rigoles géométriques ; au sommet, un coq géant, vêtu de cuivre, de soie orange, de satin feu strié d’acier noir, déployait et laissait traîner le pan de son aile près de la femelle dédaigneuse qui picorait. Il fallut cinq minutes pour traverser ce domaine d’oiseaux. « Voici les étables », dit le propriétaire, en franchissant une autre barrière, et montrant les bâtiments bas, couverts de tuile, qui enclosaient cette cour nouvelle. Un demi-sourire inconscient flottait sur sa physionomie. Il atteignait là le summum de ses trésors ; il ne pouvait étouffer sa fierté.