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Page:Yver - La Bergerie.djvu/161

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« Entrez, dit-il à Frédéric, en poussant la porte large du premier bâtiment de droite ; entrez, si cela ne vous répugne pas. »

Dans l’espace profond, ténébreux, saturé de l’odeur violente des bêtes, de la paille et du lait, les vaches enfouies dans les fourrages frais se devinaient une à une, au mouvement de leur tête cornue vers les visiteurs. Il en paraissait d’abord cinq ou six ; mais bientôt les yeux de Frédéric en découvrirent d’autres, à droite et à gauche, mariant la teinte de leur robe beige, traînante, à la litière qui les cachait. On voyait les joyaux de leurs yeux énormes, brillants et mouillés de douleur. L’une fit un mouvement automatique de ses genoux pliés et détendus, puis se mit debout en secouant la sonnette de son cou. Son échine venait à la hauteur de la main, sèche, tendant sans maigreur le pelage couleur de café au lait ; les flancs ballonnaient, puis sa robe pâlissait et se décolorait, aux mamelles, en un blanc doux et rose. Ses pattes encrassées dans l’étable, semblaient délicates comme celles d’une chèvre. Elle mugit vers le dehors, tendant la mâchoire, gonflant les muscles de son cou de monstre.

Laure se pencha vers son fiancé et lui demanda quelque chose. M. de Marcy alors fit venir l’un des vachers, auquel il ordonna de clôre solidement les barrières et la cour et d’appeler dehors tout le troupeau.