Page:Yver - La Bergerie.djvu/168

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Elle lui montra les champs qu’on traversait maintenant.

« Voyez, lui dit-elle tristement, comme tout change ici ; quel aspect morne ; voici une terre en friche ; je suis sûre que l’avoine y pousserait comme des champignons.

— Cela n’appartient plus à M. de Marcy ? » demanda-t-il.

Elle eut presque des larmes aux yeux pour répondre :

« Cela ? Mais c’est à marraine toutes ces plaines. Regardez les bêtes qui paissent là-bas, quoi ? Un peu d’herbe jaune, et puis après, qu’est-ce qui repoussera ? Jamais ce n’est fumé, jamais on ne pense à alterner les espèces de troupeaux. Maintenant voici un champ de seigle ; est-ce semé cela ? Est-ce que cela pousse ? Regardez-moi cette moisson chauve ; on dirait de la mauvaise herbe. Que voulez-vous ! Il n’y a pas de maître ici. »

Frédéric se sentait au cœur à la fois des élans et des serrements de mélancolie. Oh ! régénérer cette terre, conduire une charrue dans ces friches, engraisser les pâturages, féconder cette nature endormie et oisive ; faire ici l’œuvre royale qu’accomplissait dans le domaine voisin de Marcy ; être, lui aussi, le pasteur gentil-homme, le maître intellectuel et raffiné des troupeaux que d’un geste on multiplie.