Page:Yver - La Bergerie.djvu/19

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lointaine ou la plus cachée des allusions à ce « sot mariage » l’offensaient mortellement.

Mais il avait beau garder rancune à la vieille fille aux étroites idées, qui n’avait rien entendu à la poésie sainte de ce roman d’amour paternel, le mot de son tuteur lui revenait souvent : « Tu sais que tu as une tante… » Au réfectoire, à l’étude, quand il s’endormait le soir, surtout aux jours de congé, quand ses amis partaient en vacances et qu’il les voyait s’en aller, serrant au bras comme de petits hommes la maman qui venait les chercher, il se redisait la phrase : « Tu sais que tu as une tante… » Il avait en cela une sorte d’orgueil blessé qui revendique des droits à la fierté familiale. D’autres possédaient pères, mères, maisons de vacances ; d’autres étaient blasés d’un excès d’affections multiples ; il y en avait qui disaient devant lui, presque insolemment lui semblait-il, « mes tantes, mes sœurs, mes cousines », laissant deviner tout ce que ces noms impliquaient d’accueils tendres, de petits cadeaux, de sourires féminins, de baisers. « Moi aussi, j’ai une tante », se disait Aubépine, avec une légère contraction du cœur.

Peu à peu, et précisément à mesure que l’image de sa mère devenait plus lointaine en lui, plus indécise, plus immatérialisée et qu’il ne l’aimait guère plus autrement qu’une ma-