Page:Yver - La Bergerie.djvu/20

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done, il fut préoccupé davantage de cette vieille inconnue qui s’appelait du même nom que lui. Il avait contre elle de cruels griefs, mais c’était une femme, et on n’aurait pu deviner la curiosité attendrie, respectueuse, exaltée, faite de tout le sens filial refoulé en lui depuis douze ou quinze ans, qui lui venait à la seule imagination d’une femme âgée. Il vivait avec le sentiment indistinct de posséder, comme un bien moral lui appartenant, cette vieille dame lointaine à qui le rattachait le fil mystérieux d’une proche parenté.

Une fois soldat, et surtout lorsque la perfidie de Fleur de Lys eut dépoétisé pour longtemps en lui la passion, il pensa, d’une façon moins nébuleuse, à la marquise normande dont il était le neveu, et à la possibilité de se rapprocher d’elle. Il fit des plans de visite impromptue à la Bergerie, s’informa même, près de son tuteur, de la situation exacte de ce château ; mais il y avait toujours en lui un individu sceptique, d’un incorruptible sang-froid, qui déversait sur l’autre des fontaines d’ironie glaciale. Cet individu-là, pour arrêter son élan, lui offrait invariablement cet argument unique qui faisait sur sa belle flamme jeune des merveilles d’extinction : « Je connais la vie, mon garçon ; ta tante se fiche bien de toi, elle l’a suffisamment prouvé. » Suivaient des heures de marasme où Frédéric Aubépine faisait entre