Page:Yver - La Bergerie.djvu/191

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Alors, dans le silence de ce sanctuaire, Frédéric vit ce spectacle voulu d’esthétisme, de grâce et de mise en scène. La statue lumineuse bougea, remua les plis de sa robe, se dressa, et détachée de sa niche abbatiale, vint au groupe des trois hommes penchés sur la toile. Il y avait dans ce corps des harmonies magnifiques. La belle personne le savait bien quand elle le drapait sommairement, en guise de robe, d’étoffes aux fronces molles qui se moulent et respectent les secrètes beautés de la ligne où elles posent. Elle se laissait beaucoup regarder avec cet art discret qu’ont les jolies femmes de ne paraître pas sentir à leur personne les yeux en arrêt, pour ne pas gêner les admirateurs. D’ailleurs, aujourd’hui, son rôle de modèle autorisait les curiosités persistantes, les analyses longues attardées à son visage, à ses bras blancs vêtus à demi de soie noire, à sa hanche qu’on devinait sans corset.

« C’est merveilleux ! » murmura encore Frédéric.

La défiance de Chapenel sur la vraie valeur de ce compliment éclata de nouveau. Il avait l’air de dire, en regardant Aubépine : « Si je savais au moins qu’il comprenne mon génie ! » Car c’était là l’un des sentiments les plus douloureux de la vie de Chapenel, son deuil éternel, cette crainte de n’être pas admiré dans sa vraie splendeur, sous le jour absolu de son talent.