Page:Yver - La Bergerie.djvu/194

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reçut dans sa chambre à coucher. Il couvait une grippe, disait-il, et buvait une tasse de lait chaud. Au-dessus de la chemise de nuit large, se drapait au col un foulard de soie blanche, et ses cheveux châtains, mêlés par l’oreiller, faisaient encore d’eux-mêmes, sur son front, le toupet 1830. Frédéric, qui n’était plus le timide jeune homme de ses débuts, sollicita sa présence pour la répétition du lendemain, avec un mélange adroit de prière et de camaraderie qu’il faut mitiger. « Je suis bien souffrant, » répétait toujours le musicien sans rien promettre. Et Frédéric sortit quand même satisfait et orgueilleux d’avoir connu l’illustre Ménessier, l’homme dont tout le monde parle, le maestro de l’Europe, dans l’intimité du lit. Et déjà, un instinct de reporter s’éveillait en lui, au seul frottement électrique de cette vie parisienne ; il notait la soie de la courte-pointe, le chiffre de l’oreiller, la faïence de Rouen où l’on avait servi le lait, le crayon et le papier à musique posés sur la table de nuit, le réveille-matin d’argent ciselé, et le tapis de Smyrne indigo où traînaient ses mules de cuir rouge. Beaudry-Rogeas était invisible pour lui ; il le pensa très attiré rue Notre-Dame-des-Champs, ce qui était une explication très naturelle à ses absences, à ses préoccupations évidentes. Un détail achevait de rendre plus mystérieuse, plus poignante, l’idylle de l’hom-