Page:Yver - La Bergerie.djvu/195

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me de lettres. Depuis le retour de Frédéric ; Beaudry-Rogeas gardait sur Mme Ejelmar un silence absolu. Que se jouait-il dans ce roman secret ? Où en étaient-ils, l’un vis-à-vis de l’autre, de cette lutte sentimentale, faite tragique par les circonstances, où le millionnaire tout-puissant cherchait à capter cette pauvre liberté de femme si chétive, si précaire et si faible. Serait-elle la plus forte ? Se ferait-elle épouser par ruse ? Se donnerait-elle par amour ? Ou, ne pouvant ni l’un ni l’autre, et possédant sous sa robe misérable les ardeurs de tendresse qui semblaient transparaître dans ses yeux, dans sa voix, le soir où elle avait dit à Beaudry-Rogeas : « Je vous suis si reconnaissante ! si reconnaissante ! » endurait-elle l’atroce martyre de la femme qui aime et doit se refuser ?

À cette seule pensée, Frédéric, réconcilié avec la pauvre et touchante créature, se réjouissait en songeant qu’elle prendrait sûrement part au concert, qu’il la verrait, que son ami, en public, la fêterait, la dignifierait, qu’on intéresserait à elle de grands hommes, et qu’elle serait au moins un soir heureuse près de celui qui l’aimait. Seulement, quand il interrogeait les feuilles volantes où Beaudry-Rogeas crayonnait des projets de programme, il cherchait inutilement son nom. Serait-elle cette Mlle X… qui jouerait un air de Rameau, et sous l’incognito de qui son maître aurait caché, pour