Page:Yver - La Bergerie.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lançait parfois, avec un coup d’œil d’entente secrète à Frédéric, des allusions à l’agriculture ; cette raffinée dédaignait les rustres et les paysans ; elle devenait railleuse. Le jeune homme éprouvait alors des jouissances indéfinissables à voir qu’elle le rangeait avec soi dans la caste fermée des intellectuels. Il oubliait volontiers la voluptueuse statue qu’elle lui avait paru au piano, en chantant l’Appel ; il n’avait plus peur d’elle ; c’était une grande amie qui connaissait sa vie, ses tristesses, le doute pénible sur son avenir. Elle ne lui faisait goûter son charme, pour ainsi dire, que goutte à goutte. C’était la pénétration lente, exempte d’ivresse. Parfois aussi, il observait comme un nuage de brouille entre elle et Chapenel, chose toujours imperceptible, visible à peine dans la brutalité du regard que l’artiste posait sur elle. Alors Frédéric goûtait et savourait la plus grande joie, car il voulait être l’unique ami de Lydie, et la puissante intelligence de Chapenel lui paraissait disproportionnée avec le petit pouvoir sans prestige qu’il se sentait. Il aurait voulu qu’elle cessât de le traiter en grand enfant.

Quant à regarder en face sa vraie situation, il n’en avait pas le courage. La promesse formelle qu’il avait faite à Parisy de revenir bientôt pesait constamment sur sa pensée ; c’était le trouble, le scrupule incessant qui se mêlait à tout et qu’il gardait indistinct, refusant de