Page:Yver - La Bergerie.djvu/224

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sion d’être seul avec elle, C’était une lourde et orageuse journée de juillet. Après le dîner du soir, Chapenel et Beaudry-Rogeas restèrent à fumer aux baies ouvertes de la salle à manger. Lydie se rendit au salon. Elle joua au piano l’intermezzo de David qui, au théâtre, est aussi le prélude d’une nuit d’orage, la nuit de la faute. Frédéric la rejoignit, et face à elle, les deux mains au meuble, la dévisageant ardemment, il lui dit :

« Je ne sais ce qui me retient ici. Vous voyez, ils ne me répondent plus de là-bas ; ils sont fâchés. Il faut que je parte. »

Sans rien dire, elle acheva de ses longues mains frémissantes, sur les touches, la mélodie tourmentée et tragique de Croix-Martin, puis, comme la sonorité du dernier accord s’éteignait encore en vibrations dans la pièce à demi-obscure, elle dit de sa douce voix :

« Mon pauvre Freddy, ne faites pas de coup de tête ; vous savez bien que vous n’êtes pas né pour vivre de cette vie stupide, v vous si intelligent ! »

Ce vocatif imprévu, si familier et tendre, le bouleversa. Sa phrase lui parut saugrenue. Partir ! Est-ce qu’il y songeait vraiment ; est-ce que c’était même possible !

Et ce soir-là il resta l’entendre au piano, seul avec elle, jusqu’au moment où Chapenel vint les rejoindre. Alors il se retira ; il avait