Page:Yver - La Bergerie.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

public elle lui accordait toujours. L’aimait-elle ? Sur le champ il se rappela le concert de mai et l’air de Bethsabé qu’elle avait chanté, ce qui était indiscutable, les yeux rivés à ceux de Chapenel. Depuis, il avait mille fois repoussé cette certitude ; il ne pouvait pas convenir de l’évidence. Il voulait la juger comme une créature d’art, une intellectuelle impassionnelle et sereine, une inaccessible auréolée, à qui eût été facilement permis, dans l’exécution de son morceau, ce mouvement vers l’homme dont elle avait fait artistiquement son maître. « Un maître d’esthétique, se disait autrefois Frédéric, Chapenel n’est que cela pour elle. » Et voilà qu’aujourd’hui, se faisant rêveur et chercheur, tout son fonds normal de froide logique lui revenait implacablement, et il ne pouvait plus se cacher quelque chose d’ardent, d’effervescent, d’inlassable en elle, qui la poussait perpétuellement vers le peintre à son atelier, au salon, à la promenade. Elle ne le quittait guère. Elle voulait être sa dominatrice. Que le sentiment fût purement cérébral, à bien y réfléchir, il ne le paraissait pas.

« Alors se disait Frédéric crispé de colère, quel rôle m’a-t-elle fait jouer ! »

Il relut la lettre de M. de Marcy. Des larmes lui vinrent aux yeux. « Chère petite Camille ! murmura-t-il ; chère ! » Il n’en pouvait penser davantage. Son cœur se fondait. Il