Page:Yver - La Bergerie.djvu/239

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ans. Elle en avait rêvé, elle avait conçu pour lui une grande affection : deux choses à quoi se réduisait sans doute son amour ; puis elle l’avait attendu impatiemment, fébrilement, jusqu’à ce que l’attente se changeât en chagrin, et le chagrin en désenchantement. « Je sais qu’elle souffre, » avait écrit de Marcy. Frédéric le voyait bien à son tour ; il en était bouleversé. Il avait envie de prendre sa main, de la couvrir de caresses, et de se mettre à genoux devant elle et de lui demander pardon. Comme il la chérissait maintenant ! Comme son cœur était gonflé d’une bonne tendresse inconnue, nouvelle et fortifiante ! Plus il la voyait pâlie, ébranlée, privée de sa rusticité d’autrefois, plus il se sentait de viriles énergies pour assurer, à cette pauvre petite vie sans appui, sa protection d’homme. Il serait son mari ! c’est-à-dire qu’il travaillerait pour elle, qu’il en ferait une châtelaine heureuse et riche, à force de peines, de labeur acharné et d’intelligence. Et de la voir orpheline et pauvre comme elle était lui donnait un délice de plus à l’aimer.

« Voici marraine qui nous attend ! cria-t-elle en sautant de voiture.

— Je savais bien, je leur disais à tous que tu finirais par venir, mon bon chéri, » faisait tante d’Aubépine triomphante qui, les bras tendus, le visage rose et rieur, marchait à Frédéric.