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Page:Yver - La Bergerie.djvu/25

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d’avoir reçu et de posséder encore cette lettre, où était un peu de la substance de son cœur à lui. Tout ce qu’il y avait dans sa nature d’ombrageux, de timide, de farouche, s’exaspérait d’avoir pu si sottement écrire ces puériles et tendres choses, dont il avait toujours un peu honte, à cette inconnue. De sorte qu’il était d’aussi mauvaise humeur contre lui-même que contre elle.

Une autre semaine vint. Il cessa de s’occuper du vaguemestre ; mais morne, sourdement révolté, et dans une tristesse amère, il fit des projets pour l’époque de la libération de sa classe. N’ayant aucune situation en vue, il résolut de s’expatrier. On commençait à parler beaucoup de colonisation ; il réaliserait le petit avoir paternel, réduit à quelques centaines de francs de rente, et dégoûté de la société, de la civilisation et de la vie, il irait chercher, ou une mort facile, ou les sauvages, ou le désert : Très absorbé par ces idées nouvelles, il accomplissait machinalement le service, content seulement d’y acquérir l’endurance requise pour sa future vie d’explorateur. Il avait une énergie inaccoutumée pour bondir du lit au premier coup de clairon ; et une fois les fenêtres ouvertes, claquées brutalement sur toute la façade des chambrées, il était le premier pantalon rouge en marche vers les lavabos d’en bas. Des camarades le rejoignaient bientôt et tous, massés de