Page:Yver - La Bergerie.djvu/26

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vant les robinets cascadant au-dessus des auges de pierre qui couraient le long des bâtiments silencieux, pleins de sommeil encore, le visage bouffi sous la calotte ronde de leurs cheveux rasés, la chemise échancrée, les manches retroussées au coude, ils se plongeaient la tête et les bras sous l’ondée froide, et l’on n’entendait, avec le bruit de l’eau, que leurs souffles forts et leurs frissonnements. Dans le quadrilatère spacieux de la cour, un mouvement se faisait ; les feux de la cuisine commençaient à luire au travers des vitres du fond ; le sergent de planton bâillait à la porte du corps de garde ; le haut des pignons recrépis à neuf de la vieille bâtisse se teintait d’or rose sous le soleil levant d’avril.

… Le long des lavabos où la compagnie de Frédéric s’épongeait et se frictionnait à tour de muscles, toutes les têtes voilées de serviettes, un cri partit qui fit redresser tout le monde :

« Oh ! chouette ! une dame ! »

Hésitante, chercheuse, incommodée par le peu d’usage qu’a toujours d’une caserne une femme, elle franchissait en effet à ce moment la grille, puis apercevant le sergent de planton, se dirigeait vers lui. Un dandinement léger et gracieux ralentissait sa marche ; elle était petite et un peu lourde d’aspect, sinon d’allure, ce qui chiffrait bien plus ses années que ne l’eût fait son visage demeuré frais, gras et rieur, sous de beaux bandeaux blonds démodés et