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Page:Yver - La Bergerie.djvu/258

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lignes lentes et multiples, le long desquelles la terre s’érafle, éclate et jaillit. Frédéric eut une sensation folle de maîtrise, de souveraineté ; il souhaitait des emportements furieux du cheval, il l’aurait voulu cabré, hennissant, roulant à travers la plaine la charrue ballotée. Le tranquille percheron, docile et connaissant mieux que le Parisien son métier de laboureur, suivait, sans dévier d’une motte de terre, la ligne du sillon.

Après de telles journées, Frédéric rentrait harassé de fatigue, supportait la nuit des fièvres et des courbatures cruelles. Sa vie lui paraissait indispensable et austère. Il perdit l’habitude de veiller et gagnait sa chambre dès la fin du repas. Il avait d’ailleurs épuisé avec son hôte tous les sujets de conversation. « On a vite fait le tour d’un homme, songeait-il ; je connais toutes ses pensées, il connaît les miennes. » Etils en venaient à se parler peu, à passer des jours entiers l’un près de l’autre sans échanger autre chose que les mots nécessaires. Le soir, à la lampe, de Marcy restait seul avec Laure ; il lisait le Messager de l’Agriculture, bi-hebdomadaire, qu’il passait à sa femme pour le feuilleton.

On se mit à parler d’une grande foire aux bestiaux qui se tenait dans l’Orne. M. de Marcy voulait offrir un poney à sa femme ; il projeta d’aller l’y acheter.