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Page:Yver - La Bergerie.djvu/27

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pâlis. Démodée, elle l’était toute, avec une aisance et même une élégance souveraines. Sa jupe de soie puce, traînant un peu, avait une raideur métallique qui appelait sur la crinoline de vagues réminiscences ; son mantelet demi-long, bordé d’une mince fourrure, avait dix ans, et son chapeau laissait pendre, au lieu et place de l’ancien bavolet, des barbes de blonde. Mais elle avait une telle manière de porter la tête, de tenir à la main son petit sac et de demander au sergent de planton, avec la courtoisie hautaine et charmante de l’avant-dernier siècle : « Monsieur, dites-moi, je vous prie, si je puis voir M. Aubépine qui est soldat ici ? » que le sergent, ayant porté la main au képi pour le salut militaire, ne l’osait plus retirer, et qu’il lui répondit, incliné vers sa petite taille, bien plus par respect que par nécessité.

Des hommes de corvée, armés de balais de branches, nettoyaient la cour : ce fut l’un d’eux qu’on envoya chercher Frédéric. Il était déjà précipitamment remonté, et tremblant, agité d’un pressentiment qu’il ne voulait pas s’avouer depuis qu’il avait vu dans la cour la vieille dame, il pliait sur son genou tendu la cravate bleue qu’on lisse d’un doigt mouillé, quand son camarade lui cria :

« Il y a une dame en bas qui demande après toi. »

Son cœur fit, sous sa capote, des sursauts