Page:Yver - La Bergerie.djvu/260

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là. Il y pensa beaucoup en route. C’était la fin de septembre. Dans les bouquets d’arbres, sous la voûte des chemins creux où courait la voiture légère, les feuilles jaunissaient. Chaque coup de vent en arrachait des poignées qui papillonnaient en l’air. Frédéric pensait que lorsque d’autres feuilles auraient poussé là et seraient en pleine verdure, il aurait près de lui sa petite épouse Camille.

En approchant de la ville où se tenait la foire, il y eut sur la route une affluence de voitures. Des bêtes beuglaient et l’on sentait dans l’air cette odeur de lait et de paille, fade et forte, qui rappelle les étables. C’étaient des voitures de fermes, boueuses et dévernies, des Chars-à-bancs ; on entendait de gros rires ; il commençait à sentir la fête populaire et dévergondée.

La ville était comble ; les premières auberges refusèrent de recevoir à l’écurie le cheval de Marcy ; on coudoyait, dans les petites rues du gros bourg normand, des bouviers et des maquignons ; beaucoup déjeunaient à la porte des hôtelleries, sur des tables dressées en plein air. On les voyait enfoncer dans de gros croûtons de pain rassis leur couteau de poche au manche crasseux ; ils buvaient du cidre fort dont l’odeur se humait au passage. Ils étaient assis sur des bancs, le vent de l’équinoxe soufflait ; il s’engouffrait dans leurs blouses