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Page:Yver - La Bergerie.djvu/279

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lendemain, il ne se souvint plus de ce qu’il avait dit à Lydie sur le coup de cette griserie absolue et soudaine, mais l’impression lui resta, et la conscience, de s’être attaché à elle par des mots qu’entre homme et femme on n’efface plus. Peut-être ne s’étaient-ils rien dit, mais regardés seulement tristement comme des êtres qui se voudraient l’un à l’autre, et qu’une fatalité sépare ; et cela était encore entre eux, plus indélébile que des mots. Il avait aussi désormais la certitude d’être aimé d’elle et d’un amour sauvage, théâtral, excessif et désordonné, qui ressemblait à l’amour de Camille, comme la mer aux eaux lourdes et troubles, avec ses frémissements formidables, ressemble aux petits lacs bleus des montagnes, dont le vent ne soulève même pas l’onde légère. Et de sa pure idylle lointaine, avec ce cœur de Camille si pétri de candeur, il commençait à rougir à présent vis-à-vis de lui-même. Était-ce là la passion, étaient-ce là les orageuses aventures qui secouent la vie des hommes de talent ? Était-ce là le roman dont on parle clandestinement, qu’on cache, qui se devine et fait, autour de la passion, la volupté du scandale ? Quoi ! il se lierait pour la vie à cette petite pensionnaire gentille qui l’aimait bien, et puis ce serait tout ?…

Ce même lendemain, Chapenel revint des eaux. Il avait passé par Berlin pour consulter