Page:Yver - La Bergerie.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’écoutait ; il écoutait, dans un bien-être infini, les tendresses enfantines qu’elle lui disait ; il s’y reposait le cœur ; elles faisaient un lit à ses sentiments, elles le berçaient comme une chanson dont il eut moins entendu les mots que la musique. C’était si bien là cette vieille tante qu’il avait rêvée tant d’années et qui, sans doute, l’appelait déjà mystérieusement sans qu’il la connût, à travers tout un pan de France. Il jouissait d’orgueil à promener à son bras cette petite vieille ; il aimait qu’on les regardât au passage ; il ne se sentait plus le sans-foyer d’autrefois ; il avait une famille, comme tout le monde !

— Tu as faim déjà, mon grand chéri ? Je suis venue si tôt, si tôt ! J’ai voyagé toute la nuit et me suis fait conduire « tout de go » à la caserne ; j’avais tant peur que tu ne sois parti à l’exercice ! Veux-tu prendre un peu de lait, pour ce matin, ou un bifteck tout léger ? c’est bon à ton âge.

— Plutôt le petit bifteck, tante, si vous voulez bien.

— C’est cela, mon ami ; puis, tu me montreras la Seine et la Cathédrale qu’on dit belle, et nous causerons. Indique-moi quelque hôtel confortable,

Il la fit passer par les grandes voies de la ville, la rue Thiers, la rue Jeanne-d’Arc. Il aurait voulu que toute la population défilât