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Page:Yver - La Bergerie.djvu/31

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devant eux pour montrer à tous qu’il avait une tante. Puis après, le besoin lui vint de s’enfermer avec elle, en tête à tête, le besoin de se faire embrasser par ces lèvres d’aïeule, d’oublier sa vie triste dans ses bras, de recouvrer tout l’arriéré d’affection refusée.

Ce fut l’hôtel d’Angleterre qu’elle choisit pour la partie fine.

« Comme le luxe va loin aujourd’hui ! dit-elle en foulant les tapis épais ; et pour le faire rire un peu de sa qualité de provinciale, elle ajouta malignement : C’est une fort belle auberge. »

Ils s’installèrent dans un cabinet particulier pourvu d’un coin de balcon sur la Seine. Ce fut délicieux. Elle se mit à la fenêtre. Rouen et ses quais sont exquis à cette heure, en avril. Les coteaux lointains, au pied desquels s’arrondit lentement le fleuve, sont un pastel bleuâtre, un décor léger, doré de soleil, sur lequel s’élève la mâture fine des bateaux de commerce, le long du port. En amont, à gauche, se dresse la grande falaise blanche de Sainte-Catherine, dont la ligne s’allonge et fuit en collines festonnées dans le fond de brouillard et, devant soi, ce sont les fûts de colonne panachés de fumée, les cheminées d’usine que le faubourg Saint-Sever produit et qui poussent comme les arbres tristes de l’industrie.

Émerveillée, Mlle d’Aubépine regardait si-